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jeudi 28 juillet 2011 Mis à jour le 30 novembre 2016
Plus d’une cinquantaine d’organisations de la société civile internationale ont lancé un appel en juin 2010 pour présenter les priorités de la présidence française du G20
En finir avec les trous noirs de la finance (les « paradis fiscaux ») pour assainir l’économie mondiale et financer le développement.
Appel mondial de la société civile à la France, hôte du G20 en 2011.
La richesse mondiale est créée dans certains pays et, fréquemment, enregistrée sur le plan comptable ans d’autres. Il résulte de ce décalage des bizarreries statistiques, par exemple : le premier importateur de bananes dans l’Union Européenne est la petite Ile de Jersey, au large de Saint-Malo ; l’Inde, au cours des dix dernières années, a reçu près de la moitié de ses investissements directs étrangers (IDE) de la petite île Maurice ; les leaders mondiaux des captives d’assurance sont les Bermudes et les Iles Caïmans, etc.
Cette déconnexion entre l’économie réelle et « économie comptable » - telle que la reflètent les comptes des sociétés - s’explique avant tout par les pratiques des firmes multinationales (FMN) et des banques qui transfèrent artificiellement leurs bénéfices vers les juridictions fiscalement favorables, où elles ont généralement peu ou pas d’activité véritable. Ces pratiques peuvent être légales, mais souvent ce n’est pas le cas : la manipulation des prix de transfert et les transferts de dette abusifs, par exemple, sont une pratique courante dans le commerce mondial – dont 60% a lieu au sein même des entreprises multinationales, entre leurs propres filiales, selon l’OCDE. Quoi qu’il en soit, ce grand écart est rendu possible par ce qu’il est convenu d’appeler les « paradis fiscaux » - où la moitié des transactions financières et commerciales internationales sont enregistrées.
La principale caractéristique de ces territoires est l’opacité, qui empêche les autorités étrangères – qu’elles soient fiscales, judiciaires ou prudentielles – de faire appliquer la loi. Ces « trous noirs de la finance » présentent un triple défi pour les responsables politiques du monde :
Alors que les économies des pays en développement, notamment en Afrique, sont ébranlées par les effets d’une crise économique mondiale dont ils ne sont en rien responsables, les pays donateurs n’ont pas réussi à réunir les ressources nécessaires pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Parallèlement à la nécessité pour la communauté internationale d’accentuer ses propres efforts financiers en faveur du développement, il pourrait s’avérer encore plus vital au financement du développement de mettre les pays du Sud au cœur de la lutte contre les « trous noirs de la finance ».
Tout en remettant en cause, en tant qu’organisations de la société civile, la légitimité de 20 pays à gouverner l’économie mondiale tout entière, nous soulignons aussi que les 20 principales économies mondiales ont la responsabilité de prendre en compte et de répondre aux besoins des pays en développement.
C’est le cas, en particulier, lorsqu’ils traitent des biens publics mondiaux tels que la régulation et la transparence financières, des normes mondiales en la matière et des moyens d’assurer leur mise en œuvre. L’opacité ne prive pas seulement les États de l’information dont ils ont besoin pour faire appliquer les lois et les règlementations ; elle empêche également les citoyens de demander des comptes à leur gouvernement et peut priver les investisseurs de l’information dont ils ont besoin pour évaluer les risques et prendre des décisions responsables.
Seuls les pays du G20, siège des principaux clients des trous noirs de la finance et membres les plus influents des instances internationales de régulation (Conseil de stabilité financière, FMI, OCDE, GAFI…), sont à même d’en finir avec l’opacité financière au niveau international. C’est la seule façon pour eux d’honorer les engagements qu’ils ont pris « de tout faire pour renforcer la régulation financière pour restaurer la confiance » (Londres, avril 2009) et de « tourner la page de l’ère de l’irresponsabilité » (Pittsburgh, septembre 2009).
En tant qu’organisations de la société civile agissant pour la solidarité internationale, le développement, l’environnement et la défense des droits de l’Homme, nous appelons le gouvernement français, lors de sa présidence du G20 (et du G8) en 2011, à faire de la transparence financière une priorité absolue de l’agenda du G20.
La France devrait prendre l’initiative d’une déclaration spécifique qui reconnaisse le rôle crucial de la mobilisation des sources internes de financement à la fois pour atteindre les OMD, bâtir des États responsables et démocratiques, lutter contre la pauvreté et contribuer in fine à dépasser la dépendance de l’aide, tout en soulignant que la fuite illicite des capitaux représente un obstacle considérable pour les pays en développement.
Les gouvernements du G20 doivent s’engager à augmenter leurs financements et leur assistance technique auprès des pays en développement pour renforcer leurs systèmes fiscaux, de surveillance et de collecte, signer des conventions d’échange d’informations et lutter contre les sorties illicites de capitaux.
Plus concrètement, la France devrait promouvoir trois propositions clés pour la transparence afin de faire la lumière sur le gouffre qui sépare la géographie de l’économie réelle et la géographie de « l’économie comptable » – et ainsi contribuer à le combler.
1. Publication des comptes pays par pays – Si l’entreprise a une activité réelle, elle n’a rien à cacher
Les normes comptables ne sont pas une question purement technique. Elles ont la capacité de définir des règles identiques pour toutes les firmes multinationales.
C’est pourquoi les pays du G20 doivent continuer à appeler à « un ensemble unique de règles comptables internationales de haute qualité » (déclaration de Busan, G20 Finances, 5 juin 2010) et à tester la capacité de l’IASB , en l’état, à répondre à des exigences d’intérêt général.
Etant donné, en particulier, que plus de transparence et de détails seraient grandement utiles à la fois aux administrations fiscales des pays en développement, aux investisseurs et à la société civile, les pays du G20 devraient approuver, dans une déclaration commune, l’idée d’une norme de reporting financier pays par pays. Une telle norme devrait inclure l’obligation, pour chaque entreprise multinationale, de déclarer, dans chaque pays où elle opère :
Pour mettre en pratique un tel soutien, les dirigeants du G20 devraient :
2. Registres des bénéficiaires effectifs - Tolérance zéro pour les sociétés écran et autres structures juridiques opaques
Les pays du G20 doivent veiller à ce que l’information relative à la propriété effective de toutes les sociétés, trusts, fondations et associations caritatives soit disponible dans un registre, dans toutes les juridictions. De même, les comptes bancaires devraient faire l’objet d’un fichier accessible aux autorités fiscales, financières et judiciaires dans chaque juridiction. Pour ce faire, les dirigeants du G20 devraient :
3. Une coopération judiciaire et fiscale effective – La criminalité économique et financière ne doit pas être laissée impunie
Les pratiques de corruption, de fraude fiscale et la délinquance financière en général perdraient énormément de leur intérêt si elles cessaient de faire l’objet d’une large impunité.
C’est pourquoi les pays du G20 devraient :
Organisations signataires :
Organisations Internationales
ActionAid international ; Christian Aid ; CIDSE ; Eurodad ; Greenpeace International ; Latindadd ; Tax Justice Network ; Tax Justice Network Africa
Organisations et réseaux nationaux
Aitec (France) ; Alliance Sud - Coalition suisse des ONG de développement (Suisse) ; Anticor (France) ; ATTAC (Hongrie) ;
ATTAC (Jersey) ; ATTAC (Norvège) ; Both ENDS (Pays Bas) ; CRBM - Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (Italie) ; CCFD-Terre Solidaire : Comité catholique contre la faim et pour le développement (France) ; CFDT (France) ; CNCD 11.11.11 – Coalition des organisations de solidarité internationale (Belgique) ; Coalition flamande des mouvements Nord-Sud 11.11.11 (Belgique) ; CRID (France) ; Déclaration de Berne (Suisse) ; Eau Vive (France) ; Fastenopfer (Suisse) ; Forum Syd (Suède) ; France Amérique Latine (France) ; FSU (France) ; Global Financial Integrity (Etats Unis) ; HELIO International (France) ; Les Amis de la Terre (France) ; Ligue des Droits de l’Homme (France) ; LOKOJ Institute (Bangladesh) ; New Rules for Global Finance Coalition (Etats Unis) ; Oxfam France (France) ; Peuples Solidaires (France) ; Réseau Foi et Justice en Afrique (France) ; Revenue Watch Institute (Etats Unis) ; Ritimo (France) ; Secours Catholique (France) ; Sherpa (France) ; SNUI - Syndicat national unifié des impôts (France) ; Survie (France) ; Syndicat de la Magistrature (France) ; Transparence International France (France) ; War on Want (Grande Bretagne) ; WEED (Allemagne) ; Woman Health (Philippines)
Née en 2005, la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires réunit 19 organisations de la société civile française engagées dans la lutte contre les paradis fiscaux, la fraude et l’évasion fiscales telles que des syndicats, des ONG de développement, des associations de lutte contre la corruption, des mouvements citoyens...
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