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jeudi 28 juillet 2011 Mis à jour le 7 octobre 2013
Grâce aux nombreuses lettres que vous avez déjà envoyées à vos banquiers : la campagne Stop Paradis Fiscaux a pu analyser certaines réponses des banques. Voici les principales objections des banques à nos demandes de réelle transparence et les quelques quelques réponses que nous vous proposons pour continuer le dialogue avec eux.
L’action contre les paradis fiscaux ne doit pas être laissée aux seuls gouvernements dont l’action est déjà restée bridée par des considérations politiques à courte vue, voire simplement par les intérêts de certains lobbys.
Pour que les citoyens puissent s’exprimer, nous vous proposons plusieurs moyens d’action comme interroger son banquier sur les pratiques de son institution vis-à-vis des paradis fiscaux, avec un courrier type.
Si nous nous y mettons tous, les directions des banques verront remonter un flot d’interrogations, qui les poussera à modifier leurs règles de fonctionnement vis-à-vis des paradis fiscaux, en liaison avec les gouvernements.
Suite à vos courriers, nous avons déjà reçu des réponses de plusieurs banques. Si vous souhaitez continuer le dialogue avec votre banque par courrier ou en prenant rendez-vous, voici quelques éléments de réponse à leur apporter sur leur manque de transparence :
Ma banque dit qu’elle ne pratique pas l’évasion fiscale, et paie régulièrement ses impôts en France…
Les banques ne tirent pas forcément de bénéfice direct de leurs implantations dans les paradis fiscaux : soumises à des réglementations particulières, elles ne pratiquent généralement pas l’évasion fiscale.
En revanche, en ouvrant des filiales dans les paradis fiscaux, les banques permettent à leurs clients, entreprises ou particuliers, d’y avoir des comptes bénéficiant de l’opacité financière propre à ces juridictions. Ces clients peuvent ainsi placer leurs avoirs à l’abri du fisc. Les entreprises peuvent, sous couvert d’ « optimisation fiscale », y localiser leurs bénéfices dans des sociétés dont l’activité se réduit à une boite aux lettres, échappant ainsi à l’impôt. Cette évasion fiscale est extrêmement préjudiciable aux autres pays, et notamment aux pays pauvres qui voient disparaître les ressources nécessaires à leur développement. Dans le pire des cas, les établissements bancaires dans les paradis fiscaux (qui sont aussi judiciaires) permettent à leurs clients de recycler l’argent de la corruption, voire l’argent du crime.
Si les banques n’avaient pas d’activité dans les paradis fiscaux, leurs clients, entreprises et particuliers, n’iraient pas non plus.
Ma banque dit qu’elle n’a pas d’activité dans les Etats et territoires « non-coopératifs » désignés par le gouvernement français…
Le gouvernement français ne parle pas de paradis fiscaux, mais d’« Etats et territoires non-coopératifs ». Et comme la loi française en a donné une définition très vague, le gouvernement français a pu n’en retenir que 18 (décret du 14 avril 2011), d’ailleurs souvent minuscules et de très peu de poids dans l’économie mondiale (qui sait où sont situées les îles Turques-et-Caïques, où l’île de Niue ?).
Les banques françaises ont beau jeu de dire qu’elles n’ont pas d’activité dans ces Etats ou territoires (ou qu’elles sont en train d’y cesser leur activité). Au regard de la loi française, elles ont raison, mais pas vis-à-vis des exigences éthiques qu’elles affirment par ailleurs.
D’ailleurs, le Centre d’Analyse Stratégique (CAS, rattaché au 1ier ministre) vient de publier sa propre analyse sur les paradis fiscaux, qu’il appelle « centres financiers offshore ». Il en recense 47, dont 12 dans un « noyau dur ». Et cette fois, il ne s’agit plus d’atolls inconnus, mais de territoires bien plus proches de nous : Luxembourg, Jersey, Guernesey, île de Man, etc.
Ma banque n’est-elle pas active dans ces territoires ?
Ma banque dit que le problème des paradis fiscaux est en voie de solution depuis que les pays membres du G20 s’en occupent…
Les pays membres du G20 ont confié à l’OCDE la tâche de fixer des règles en matière de fiscalité, et de voir si les différents pays du monde les appliquent. Cela s’est traduit par une liste « noire » (les pays les moins coopératifs), et une liste « grise ». Mais le dispositif était tel qu’il était très facile pour un pays de sortir de la liste noire, et encore assez facile de sortir de la grise. Résultat : aujourd’hui, la liste noire est vide, et la grise ne comporte plus que huit pays.
Avec cette définition de l’OCDE, le problème de l’opacité fiscale semble en voie de règlement. Et les vrais paradis fiscaux continuent à prospérer.
Cependant, l’OCDE est évidemment consciente des lacunes de son dispositif. C’est pourquoi elle a lancé, dans le cadre du Forum Global sur la transparence et l’échange d’informations fiscales, des « revues par les pairs », visant à vérifier :
l’existence de mécanismes législatifs et réglementaires pour l’échange d’informations,
le fonctionnement effectif des échanges d’informations.
Ce processus a conduit à constater des lacunes importantes dans les dispositifs législatifs ou réglementaires pour l’échange d’informations dans environ la moitié des pays examinés. Ainsi l’OCDE reconnait implicitement que sa liste grise est incomplète, puisque de nombreuses juridictions où des lacunes sont observées n’y figurent pas.
Il est donc évident que la lutte du G20 contre les paradis fiscaux ne fait que commencer.
Je demande à ma banque
Il faut évidemment maintenir la pression sur l’OCDE et sur le gouvernement français pour qu’ils publient des listes de paradis fiscaux plus conformes à la réalité. Mais sans attendre ces évolutions, il faut faire pression sur les banques pour qu’elles reconnaissent une liste de paradis fiscaux plus large que la seule définition de la loi française, et qu’elles soient plus transparentes sur leurs activités dans ces Etats et territoires.
Justement, l’ONG Tax Justice Network a établi, en 2009, une liste des juridictions accordant le plus d’opacité en matière financière (en les pondérant de leurs poids respectifs dans les flux financiers internationaux). La liste comporte 60 juridictions, dont les plus opaques méritent d’être citées : L’Etat du Delaware (USA), le Luxembourg, la Suisse, Les îles Caïman, la city de Londres, l’Irlande, les Bermudes et Singapour… On voit bien que l’on touche là à des intérêts extrêmement importants, et l’on comprend pourquoi ces juridictions n’apparaissent pas dans la liste de l’OCDE ou dans celle du gouvernement français.
D’ailleurs, ces juridictions sont également pointées dans le très récent rapport du CAS, rattaché au 1ier ministre (déjà cité).
Il faut donc que les banques, qui sont les premiers complices des paradis fiscaux, soient transparentes sur leurs activités dans ces juridictions, afin de montrer à la société civile si elles agissent conformément aux principes éthiques qu’elles affichent par ailleurs.
Née en 2005, la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires réunit 19 organisations de la société civile française engagées dans la lutte contre les paradis fiscaux, la fraude et l’évasion fiscales telles que des syndicats, des ONG de développement, des associations de lutte contre la corruption, des mouvements citoyens...
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