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samedi 7 mars 2015 Mis à jour le 29 novembre 2016
Tribune publiée le 7 mars 2015 sur Médiapart par Lucie Watrinet (CCFD-Terre Solidaire, coordinatrice de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires), Manon Aubry (responsable de plaidoyer, Oxfam-France), Vincent Drezet (secrétaire général de Solidaires Finances Publiques), Grégoire Niaudet (chargé de plaidoyer au Secours Catholique-Caritas France), Mathieu Lopes (vice-président de Survie), Laetitia Liebert (directrice de Sherpa)
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Total a publié mercredi 4 mars 2015 la liste intégrale de ses filiales et a annoncé le rapatriement de 9 d’entre elles situées dans des territoires « considérés comme des paradis fiscaux ». Si ces deux initiatives démontrent que sous la pression publique les entreprises se sentent obligées de se justifier et de communiquer, la route est encore longue pour mettre fin à l’évasion fiscale.
La publication de la liste intégrale de ses filiales par Total ne peut en effet être considérée comme une avancée exemplaire. 60 % des 50 plus grandes entreprises européennes et un peu moins de la moitié du CAC 40 [1] le faisaient déjà, alors que Total ne publiait que la liste de ses principales filiales, soit, en 2013, 179 sur 883 annoncées.
Il faut également s’interroger sur les territoires que Total considère comme des paradis fiscaux . Il ne s’agit selon toute vraisemblance que des filiales localisées dans trois îles et archipels exotiques : les Bermudes (15),les Bahamas (1) et les Îles Caïmans (3). Or, si l’on prend comme référence la liste des paradis fiscaux de l’organisation Tax Justice Network, Total comptabilise en réalité 178 filiales dans des territoires opaques, soit près de 20% de l’ensemble de ses filiales ! Total a donc établi unilatéralement sa propre liste, sur la base de l’idée que l’entreprise se fait des territoires « considérés » comme des paradis fiscaux, omettant de mentionner sa présence dans des paradis fiscaux européens comme les Pays-Bas, le Luxembourg ou la Suisse, pourtant régulièrement épinglés pour leurs pratiques fiscales.
La forte présence de Total aux Pays-Bas (plus de 60 filiales) et l’annonce du rapatriement dans ce pays de certaines de ses filiales aujourd’hui localisées aux Bermudes pose notamment question. Total affirme que c’est pour une raison de comptabilité en dollars qui ne serait pas possible depuis la France, mais comment y croire quand on sait que la législation néerlandaise permet des montages fiscaux particulièrement avantageux pour les entreprises ? Comment s’assurer que Total paye bien sa juste part d’impôt en France comme dans les pays dans lesquels l’entreprise est présente, parmi lesquels on compte les plus pauvres de la planète ?
Plus que jamais, ce « coup de com’ » de Total démontre que la question n’est pas tant de « fermer des filiales dans des paradis fiscaux », dans la mesure où il n’y a pas de liste consensuelle, mais bien d’exiger que les entreprises expliquent ce qu’elles y font. A l’instar des nouvelles obligations des banques européennes, il faut que les entreprises publient des informations surle chiffre d’affaires et les bénéfices qu’elles réalisent, le nombre de personnes qu’elles emploient et les impôts qu’elles payent dans chacun des pays où elles sont présentes. Cette étape est indispensable pour vérifier que les entreprises paient bien des impôts là où elles ont une activité réelle et ne jouent pas sur les faiblesses du système international pour s’affranchir de leur contribution fiscale.
[1] Selon le rapport du CCFD-Terre Solidaire, en partenariat avec la revue Projet : « Aux paradis des impôts perdus », (juin 2013) et dossier de la Revue Projet « Qu’emporte le CAC 40 au paradis ? » (février 2014)
Née en 2005, la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires réunit 19 organisations de la société civile française engagées dans la lutte contre les paradis fiscaux, la fraude et l’évasion fiscales telles que des syndicats, des ONG de développement, des associations de lutte contre la corruption, des mouvements citoyens...
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